Beyrouth, année zéro
Il y a trente ans, en 1990, la guerre civile libanaise prenait fin après quinze années de combats entre milices chrétiennes et musulmanes, mais aussi de règlements de compte entre des groupes armés au sein de chaque communauté. La ligne de démarcation entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, également appelée « ligne verte » en raison de la végétation sauvage qui avait fini par l'envahir, fut le principal théâtre des affrontements dans la capitale. Les habitants vivant à ses abords avaient quitté leur logement et les fenêtres des bâtiments avaient été murées. Aujourd'hui encore, elle continue de symboliser dans la mémoire collective un pays fracturé.
Lors de mon séjour en novembre/décembre 2019, plusieurs Libanais m'ont fait part de leurs craintes de voir le mouvement de contestation inédit qui s'est emparé du pays depuis le mois d'octobre raviver les tensions. J'ai voulu parcourir ce grand axe, rendu depuis plus de vingt ans à une circulation dense, pour capter son atmosphère.
On y ressent évidemment la volonté de tourner la page avec la réhabilitation du Bois des pins, unique poumon vert de la ville, ou la rénovation dans les années 90 du Musée national, emblème de l'identité libanaise. L'implantation de centres commerciaux, de restaurants ou de nouvelles universités font même penser à une certaine normalisation des lieux.
Pour autant, les dispositifs et administrations sécuritaires y restent omniprésents, avec les nombreux postes fixes de l'armée et ses militaires en patrouille mais aussi avec plusieurs édifices stratégiques le long de la rue de Damas (Sûreté générale, Tribunal militaire, caserne de brigades d'intervention rapide). Vestiges de la guerre, quelques bâtiments en ruine criblés de balles sont toujours là pour témoigner d'un passé dont la menace continue de peser.